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Dilater le temps avec Amélie Berrodier


Vue de l'exposition Rituel de l'Algorithme, Halles du Faubourg (Lyon),

140 monochromes, 20 x 20 cm, 2018-2019, Acrylique



Vidéaste, photographe mais aussi plasticienne, Amélie Berrodier est une artiste traitant de l’humain et son rapport à l’image. Plusieurs raisons nous poussent à aller voir ses créations, dont sa contribution à rendre l’art contemporain plus vivant, plus sincère. C’est d’ailleurs une de ses volontés, redonner vie à un style d’abord attribué à la peinture : le portrait.



Les visites chez les grands-parents, les repas, les photos de famille ou encore les rapports entre voisins sont des sujets de prédilection au sein de son travail. Chacun de nous peut ainsi s’identifier aux scènes proposées, au travers d’images du quotidien. L’artiste nous donne l’occasion d’observer nos similitudes, nos habitudes, tout ce qui nous rapproche ou fait notre spécificité. Si nos particularités humaines, culturelles et sociologiques nous dépassent parfois, les créations d’Amélie Berrodier existent pour nous les rappeler. Car la perception que l’on a des autres et de soi-même n’est pas nécessairement juste. La manière dont procède l’artiste nous permet de la renouveler.


La plupart du temps, tout part d’une rencontre que l’artiste provoque, parfois même aléatoirement. Munie de sa caméra, Amélie Berrodier se place alors en position d’acteur appartenant à une mise en scène composée de plusieurs entités : la personne qui filme (c’est-à-dire l’artiste), celle qui est filmée (le sujet), le spectateur visionnant la vidéo et enfin la caméra (le médium, considéré comme une personne à part entière). Tous ces éléments sont pensés dans la scénographie des expositions présentant son travail. Il est donc légitime de se demander si les individus présents dans les vidéos jouent un rôle, s’ils sont les acteurs de leur propre vie, tant le rendu final flirte avec le reportage vidéo. Bien qu’étant conscients d’être filmés, les modèles lâchent prise grâce aux mécanismes ingénieusement mis en place par l’artiste, cette dernière s’effaçant peu à peu derrière la caméra. La magie du direct opérant alors, ce sont nos expressions et actions naturelles qui ressortent à l’écran.


Vue de l'exposition Rituel de l'Algorithme, Halles du Faubourg (Lyon),

Porte, plaque nominative, paillasson, 93 x 215 cm, 2019



Empreinte de nostalgie, Amélie Berrodier mobilise des dispositifs historiques datant du début de la photographie. À la fin du XIXe siècle, le temps de pose pouvant durer jusqu’à plusieurs heures, les attitudes des modèles reflétaient une certaine raideur et lassitude. Détournant ce procédé, l’artiste nous invite à retourner dans le passé en revisitant ces prises de vues « classiques ».


Au premier regard, l’immobilité semble être le maître-mot de ses Portraits filmés. Mais avec plus de patience, nous remarquons que les images évoluent avec subtilité. Et c’est là toute la beauté de son propos : prendre le temps d’observer. Une ode à la lenteur et au temps qui passe, indispensable dans notre société sur-sollicitée par les images, où la pollution devient également visuelle. Les installations vidéo d’Amélie Berrodier soufflent alors un vent d’air frais en ralentissant le tempo, dans une actualité où une photo peut être obtenue instantanément et de manière immatérielle. Notre rapport au temps s’est considérablement comprimé ces trente dernières années, comme le signale le Dr Serge Marquis, spécialiste en santé communautaire. Il nous préconise de « ramener notre attention dans le présent », un judicieux conseil lorsque l’on se trouve face à une œuvre d’art.


Visuel tiré de l”édition VISU(S). Production : Association Pollen, Monflanquin, 2018


Résonnant avec notre actualité, Amélie Berrodier nous prescrit un remède artistique face aux maux de notre société : prenons le temps d’observer, de vivre, de partager ces moments simples et précieux de notre quotidien.

→ Site internet d'Amélie Berrodier.

→ Sa page facebook

→ Son instagram

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